Futur : nos nuits seront-elles plus belles que nos jours ?

Dans son passionnant ouvrage, La civilisation du cocon (éditions Arkhé), Vincent Cocquebert décrit un sommeil hyper connecté, tel qu’il l’imagine dans un futur proche. « Cette nuit Alain a enfin connu un sommeil réparateur. Il a beau se sentir toujours un peu somnolent, sa montre connectée le lui assure : après plusieurs cycles chaotiques, tout est enfin rentré dans l’ordre. Satisfait et rassuré d’avoir enfin pacifié ses nuits, il se félicite de ne pas avoir cédé hier aux sirènes des écrans pour s’immerger dans un livre audio qui lui a rappelé ses soirs où, enfant, sa mère lui lisait une histoire avant d’aller dormir. »

Alors, demain, serons-nous tous orthosomniaques (obsédés par l’idée d’un sommeil de qualité) ? Une chose est sûre pour Vincent Cocquebert, il y a eu récemment un changement de paradigme. La société moderne n’appréhende plus le sommeil de la même façon : « Il y a encore quelques années, le vrai winner était celui qui était productif avec un minimum d’heures de sommeil. Mais le pétage de plomb d’Elon Musk, qui ne dormait que trois ou quatre heures par nuit a prouvé que ce n’était pas la bonne option. » Souvenez-vous, en 2018, l’homme d’affaires multimilliardaire (propriétaire de Tesla, entre autres), jusqu’alors très fier de ses nuits courtes, frôlait le burnout et inquiétait ses actionnaires en tenant des propos peu cohérents. Aujourd’hui, il dort six heures par nuit, et a les idées assurément plus claires. « Depuis cet épisode, il y a toute une sagesse du sommeil qui nous vient de la Silicon Valley. Mais elle reste à vocation productiviste » analyse l’auteur. Avec toutes les dérives que cela implique. Car cette partie du globe où naissent les grandes tendances sociétales (avant de se diffuser dans le reste du monde) est réputée pour ne jamais faire les choses à moitié. « Bien dormir va devenir un nouvel objectif de réussite, alors qu’on ne devrait pas avoir à capitaliser sur ce genre de données. La volonté de contrôle entraîne encore plus de dérèglements. Avec cette obsession du sommeil on le parasite, on le rend performatif, comme un nouvel idéal à atteindre. Les 8 heures de sommeil par nuit vont donc devenir un nouveau moteur à anxiété. »

Pyjamas connectés

Alors, faut-il d’ores et déjà se débarrasser de nos montres connectées, et autres appareils pour calculer nos cycles de sommeil, avant qu’il ne soit trop tard ?

Pas forcément pour le professeur Pierre Escourrou, Médecin du Sommeil, comme il l’explique dans la vidéo Le sommeil du futur: apport des objets connectés dans le parcours du sommeil : « Ces objets peuvent avoir un intérêt dans le diagnostic et le suivi des apnées du sommeil ou de l’insomnie, qui touche 20% des adultes. Lorsque vous allez voir un médecin du sommeil, la consultation a lieu de manière épisodique, alors que ces appareils vont permettre d’avoir une mesure de votre sommeil toutes les nuits. Même si elle n’est pas absolument précise, le fait de pouvoir moyenner ces données sur une grande période va permettre d’avoir un film continu de la maladie, et d’avoir des résultats précis sur ce qui se passe en vie réelle chez un patient. »

Et ce n’est pas tout. On le sait, le réchauffement climatique est hélas amené à empirer dans les années qui viennent. Selon le docteur Ian Pearson, nos pyjamas aussi seront connectés, et auront même des propriétés thermiques. Dans son rapport, How we will be sleeping in 2035, le futurologue (eh oui, c’est un job qui existe) évoque des fibres capables d’émettre des infra-rouges, qui pourront s’adapter à la température d’une pièce pour un sommeil optimal de celui qui le porte, et pourront même le masser grâce à de légères vibrations. Voilà qui fait rêver, non ?