Sommeil, santé & bien-être

Que se passe-t-il dans notre cerveau lorsque l’on dort ?

Véronique Vigoureux-Robles

30 novembre 2021

Chaque nuit, alors que l’on se laisse tranquillement aller aux bras de Morphée, le corps se relâche, la respiration devient plus calme, la conscience du monde extérieur s’estompe et le cerveau ralentit son activité, sans pour autant la cesser totalement. Alors que fait cet organe qui représente seulement 2 % du poids du corps, qui est aux commandes de l’ensemble de l’organisme et ne dort jamais ?

 


Pour comprendre ce qui se passe là-haut dans notre tête pendant que nous dormons, commençons par rappeler comment se déroule le sommeil.

Le sommeil, un voyage en omnibus

Même lorsque l’on a l’impression de bien dormir, d’une seule traite, le sommeil n’est pas uniforme. Une nuit est généralement composée de 4 à 6 cycles de sommeil, entrecoupés de micro-réveils. Ces cycles durent, selon les individus, de 50 à 150 minutes, soit une moyenne 90 minutes. Un cycle est constitué de 2 types de sommeil qui se succèdent : d’abord le sommeil « lent » ou « non paradoxal » (lui-même découpé en 3 phases : l’endormissement, le sommeil « léger » et le sommeil « lent profond »), puis le sommeil « paradoxal » appelé aussi « sommeil à mouvements oculaires rapides », « Rapid eye movements » ou REM.

« Pris dans son ensemble, le sommeil ressemble à un voyage en omnibus, desservant chaque nuit 4 à 6 stations (les cycles) selon les dormeurs, selon les nuits, selon les siestes », explique le docteur en neurosciences Brice Faraut (Sauvés par la sieste, éd. Actes Sud). « Et dans chacun de ces cycles, les différents types de sommeil se succèdent de manière continue, comme dans une course de relais ».
Pendant les périodes de micro-réveils de quelques minutes (qu’on appelle période de latence), soit on se rendort et on recommence un cycle, soit on se réveille.

On fait les comptes…

Une nuit de sommeil est composée de :

  • 60 à 75% de sommeil lent (40 à 50% de sommeil léger et 20 à 25% de sommeil lent profond) ;
  • 20 à 25% de sommeil paradoxal ;
  • 5 à 10% d’éveil.

Pendant ce temps là, que se passe-t-il dans le cerveau ?

Avez-vous entendu parler des ondes cérébrales ? Le cerveau (plus précisément ses neurones) émet en permanence des ondes dont la fréquence varie selon l’intensité de son activité, selon ses états de conscience. Ces ondes cérébrales, qui portent les lettres de l’alphabet grec (bêta, gamma, alpha, thêta, delta), se mesurent en hertz (unité de fréquence de répétition par seconde, soit une oscillation par seconde). Elles ont été mises en évidence par électroencéphalographie (EEG).

  • Lorsque l’on est éveillé.e, le cerveau fonctionne à plein régime et émet des ondes rapides dites bêta, de 12 à 30 Hz.
  • En cas d’activité intellectuelle intense, par exemple lors d’un processus créatif ou de résolutions de problèmes, le rythme s’envole vers 35-40 Hz : c’est le rythme gamma.
  • Tandis qu’étant éveillé, si vous fermez simplement les yeux pour vous détendre, la fréquence des ondes cérébrales diminue pour atteindre de 8 à 12 Hz : c’est le rythme alpha.
  • Toujours en situation d’éveil mais de relaxation profonde, comme la méditation, ce sont les ondes thêta, de 4 à 8 Hz, qui s’installent.
  • Pendant le sommeil lent, le rythme s’abaisse pour atteindre de 0,5 à 4 Hz : delta. Les ondes deviennent plus lentes et plus amples.
  • Enfin, pendant le sommeil paradoxal, l’activité cérébrale est plus proche des ondes bêta de l’éveil.

« Au repos, le cerveau est incroyablement actif, avec sa multitude de neurones qui échangent des informations sous formes de décharges électriques dans des configurations sans cesse changeantes, décrit le neuroscientifique John Medina (Les Pouvoirs cachés de votre cerveau, Éd. Leduc). En réalité, le seul moment où le cerveau se repose vraiment (où l’énergie qu’il consomme est moindre) correspond à la phase la plus profonde du sommeil lent ».

 

Que se passe-t-il pendant le sommeil lent ?

C’est la première phase du sommeil qui se découpe en 2 stades : le sommeil léger et le sommeil lent profond. Pendant le sommeil léger, le corps est calme et immobile. Les muscles se relâchent. La respiration et le rythme cardiaque ralentissent. On entend et on comprend sans pouvoir agir. On reste ainsi sensible aux bruits et éventuelles perturbations et cela peut nous réveiller.

Si tout va bien… le sommeil léger se transforme progressivement en sommeil lent profond et réparateur. Les muscles se détendent toujours plus, le rythme du cerveau se ralentit également davantage. On n’entend plus rien, on ne rêve généralement pas ou peu.

Pendant cette période de sommeil lent, la consommation en oxygène et en énergie du cerveau est réduite. Il émet des ondes delta de grande amplitude et de faible fréquence. Entre le sommeil léger et sommeil lent profond, les ondes se ralentissent.

Premier travail de mémoire


C’est la période pendant laquelle la mémoire des connaissances (dite mémoire déclarative) se consolide : les informations récemment acquises sont transférées d’une région de stockage transitoire (l’hippocampe) vers une région où elles vont être stockées de façon durable (le cortex). Le cerveau en profite pour faire du tri et ne garder que les informations les plus complexes. Voilà pourquoi le sommeil permet de mieux mémoriser une leçon apprise dans la journée, et particulièrement en fin de journée.
Malheureusement, « apprendre un cours ou une langue étrangère en écoutant un enregistrement lors du sommeil est un mythe », précise Thibaud Dumas, neuroscientifique (Cerveau, un incroyable atout, éd. Mango).

Que se passe-t-il pendant le sommeil paradoxal ?

L’activité tonique des muscles est réduite, pratiquement nulle, alors que l’activité cérébrale est intense, proche de celle de l’éveil, avec des mouvements oculaires rapides sous les paupières toujours closes. Le rythme cardiaque et la respiration peuvent devenir irréguliers. Les ondes cérébrales émises sont petites et rapides se rapprochant des ondes en situation d’éveil, proche du rythme bêta. « C’est ce contraste entre un cerveau apparemment réveillé et un corps très endormi qui lui a donné son nom de ‘’sommeil paradoxal’’ », expliquent Isabelle Arnulf et Vanessi Slimani (Sommeil, tout savoir et mieux dormir, éd. Mango).

Place aux rêves


Les rêves sont largement présents au cours de ce stade. Des rêves, plus longs et parfois étranges, dont on peut se souvenir au réveil. « Toutes les nuits, rêver permet à chacun de nous d’être fou en toute tranquillité et en toute sécurité », déclarait William Charles Dement, neuroscientifique américain (1928-2020) fondateur du Sleep Research Center à l’université de Stanford, premier laboratoire du sommeil au monde.

Consolidation de la mémoire


« C’est dans cette phase que se produit la consolidation de la mémoire procédurale. Autrement dit, l’apprentissage de gestes, de mouvements », explique Marc Rey, neurologue, président de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance, dans un article de Sciences et Avenir.
Autrement dit, la mémoire des mots, des gestes et des lieux est consolidée. « Le cerveau travaille sur un mode différent de celui de l’éveil. Il semble capable d’associer des idées entre elles et parfois de trouver des solutions nouvelles, explique Isabelle Arnulf, professeur neurologue. Le cerveau endormi élimine les points moins importants. Surtout, il digère les émotions négatives de la journée précédente et restaure la bonne humeur ».

Et régulation de l’appétit…


Selon une étude publiée récemment par une équipe suisse de chercheurs en neurosciences, le sommeil paradoxal pourrait avoir également une influence sur le comportement alimentaire. Et cela serait dû à des neurones bien spécifiques : les neurones LH.

Donc, on l’a bien compris, bien dormir est indispensable. Contrôlé par le cerveau, le sommeil a un réel impact sur la vie quotidienne avec des conséquences physiques et psychologiques. Il est un élément de prévention à ne jamais négliger.

Pour aller plus loin

  • Les Pouvoirs cachées de votre cerveau, John Median, neuroscientifique. Éd Leduc Poche. 8,90€ version papier, 5,99€ version numérique.
  • Cerveau, un incroyable atout, Thibaud Dumas, neuroscientifique. Éd. Mango. 11,95€ version papier.
  • Sommeil, tout savoir et mieux dormir, Isabelle Arnulf, professeur neurologue, et Vanessa Slimani, psychiatre et somnologue. Éd. Mango. 11,95€ version papier.
 

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